Nivelles : "Pour créer un choc, le politique prend le risque de tout nous faire perdre"


01 décembre 2020

Les magasins non-essentiels rouvrent ce mardi 1er décembre. Les professions de contact, comme les coiffeurs, vont devoir attendre. Une situation catastrophique en cette période de fête, malgré des petites initiatives pour s’en sortir.

Ce mardi, les magasins dits non-essentiels rouvrent leur porte. Après un mois de fermeture forcée, les commerces vont (enfin) pouvoir reprendre une activité quasi-normale. Si des mesures contraignantes accompagnent cette ouverture - 1 client par 10m² et une présence de 30 minutes -, les commerçants vont pouvoir partager un esprit de fête avec leur clientèle. Un moment festif dont seront privées d’autres professions. C’est le cas des professions de contact, dont les coiffeurs, pour qui la situation sera réévaluée au plus tôt le 15 janvier prochain. Un drame. 

"Je me sens décapitée (sic). C’est clairement mon état d’esprit, témoigne la gérante du salon L&S Elégance à Nivelles. On s’attendait à rouvrir le 15 (décembre), et là, c’est le coup de massue. On ne comprend pas pourquoi. Quelle est la raison, pourquoi? Il n’y a pas d'études qui montrent que le virus se propage dans un salon. C’est l’incompréhension totale. Tout est désinfecté,  tout est mis en place pour la sécurité des clients et des nôtres. Chacun porte le masque constamment. Il faut faire entendre notre désespoir. Il y a des moments où j'en pleure. C’est vraiment pénible. Et se dire que, jusqu’au mois de février, on est là et on ne peut rien faire. C’est démoralisant."

Recoiffe-moi le moral

De moral, il en est question pour un métier qui constitue un refuge à la fois esthétique et psychologique pour de nombreuses personnes. "On nous qualifie de non-essentiels et pourtant, il faudrait voir combien de gens retrouvent le sourire avec un changement de look ou une nouvelle coupe", nous glisse une coiffeuse du centre-ville de Nivelles dont le salon est le plus ancien de la ville. "Je repense au slogan de Dessanges. C’était: Recoiffe-moi le moral. C’est important pour les hommes et les femmes. C’est un ensemble: on s’occupe des gens, on les embellit, on les écoute parler. Pour les personnes plus âgées, c’est une sortie, dans un cadre différent de leur quotidien. Elles ont besoin qu’on s’occupe d'elles."

Malheureusement, le politique est loin de considérer cet aspect psychologique. Et la sortie du ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke révolte les professionnels. "C’est scandaleux, s’insurge-t-elle. Pour créer un choc, on tue tous les commerces. Le but, c’est de nous enterrer? C’est de laisser en place uniquement les multinationales? C’est quoi le but? Créer un choc? En nous fermant et en nous privant de manger. On se demande comment on va trouver l’argent pour faire nos courses, pour payer nos factures. C’est aberrant. Je ne sais même plus quoi penser. On est en colère. Parce que notre avenir est clairement mis en jeu. Si je perds mon salon, je ne pourrai pas me relever. Ce sont toutes les économies d’une vie que j’ai mises dans ce salon. Donc pour faire un choc dans la population, ces personnes ont pris le risque de nous faire fermer et perdre toutes les économies d’une vie et de remettre en question mon avenir? Parce que si je perds ce salon, je n’ai pas d’avenir. Je vais devoir retourner travailler comme ouvrière dans un salon de coiffure, mais qui nous dit qu’il y aura du travail? Personne ne me l’assure. Combien de salons vont rester ouverts? Combien auront les moyens d’engager d’autres coiffeurs. Et je ne suis pas la seule dans ce cas, on est plein."

Concurrence déloyale

Délaissés, les coiffeurs pestent également contre une concurrence déloyale. D’abord, des coiffeurs des pays limitrophes. "Combien de clients ne vont pas traverser la frontière pour aller chez le coiffeur?". Ensuite, des grandes surfaces, autorisées à vendre des soins capillaires. "Pourquoi est-ce qu’on ne supprimerait pas non plus ces ventes-là dans les grandes surfaces pour que les gens puissent se fournir chez nous?", questionne la gérante. 

C’est dans cette optique qu’elle a décidé de lancer des paniers cadeaux pour les fêtes. "Ce sont des paniers avec des shampoings et des soins adaptés aux cheveux de notre clientèle. Le but, c’est que les clientes n’aillent pas en grande surface mais qu’elles achètent chez nous pour nous soutenir et pour se fournir en produits de qualité". 

La démarche permet surtout de retrouver un semblant d’activité et d’engranger quelques rentrées. "Mais il ne faut pas rêver, ça ne couvrira que des petites factures. Mais, au moins, nous resterons actifs. Car, pour le moment, on n’a rien, rien, rien. Pas un cent ne peut entrer dans nos caisses. Et rester trois mois sans rien faire, c’est difficile, on a le sentiment de ne servir à rien. Le mois de décembre est habituellement le meilleur mois de l'année: on travaille plus tard le soir, on ouvre des jours supplémentaires. La période de fête permet de se créer une petite trésorerie pour pouvoir anticiper des coups durs le reste de l'année. Tout ça nous est supprimé. Je ne sais pas comment on va faire. Ce deuxième confinement est plus dangereux pour notre secteur que le premier. Lorsque nous serons enfin autorisés à rouvrir, on n’est pas certain que les clients vont suivre comme ils l’ont fait lors du déconfinement."

Loïc Struys

Crédit photo : pixabay