09 avril 2020
Cette carte blanche est rédigée par Reda Kabir, maître-assistant en psychologie et psychopédagogue. Il est l’invité ce jeudi 9 avril du Carré VIP sur Ultrason.
C’est l’heure du confinement pour plus de la moitié de l’humanité, il est dorénavant question d’urgence sanitaire mondiale, mais un tout autre enjeu est en cours. Un enjeu social, un enjeu humain. Nous avons contre mauvaise fortune, bon cœur. C’est l’occasion de (re) créer du lien avec ses proches et plus particulièrement avec ses enfants.
À l’heure d’une société qui place son prisme d’approche sur la rentabilité, la rapidité de production et le rapport au profit, nous avons une opportunité, celle de nous rapprocher (encore un peu plus) de nos enfants. En temps normal, le stress et le manque de temps nous éloignent profondément de l’objectif parental que nous souhaitons atteindre, mais depuis quelques semaines, le temps se libère. Certes, les tâches sont toujours présentes, entre télétravail, gestion des tâches quotidiennes et rapport à l’anxiété du confinement, mais en tant que parents, nous avons « une carte à jouer », celle de la déconstruction de l’image projetée par notre société sur nos enfants.
Nous pouvons remplacer le « fastlife » par la mise en avant de la nécessité de prendre le temps. Selon une étude parue dans The Economist (2017), les parents du Benelux [1] passent en moyenne deux heures et huit minutes par jour à s’occuper de leurs enfants en semaine. De fait, il est temps de prendre le temps de voir ses enfants s’épanouir, grandir et évoluer dans un espace-temps différent de celui que nous connaissons habituellement.
Cela nous amène indéniablement à la question de la scolarité et du rapport au savoir. Ce confinement est l’occasion d’accompagner l’épanouissement de nos enfants et de renforcer leur rapport à l’intelligence et aux savoirs. L’intelligence dans la culture populaire, ce sont les facultés telles que l’habileté à effectuer des analyses logico-numériques, géométriques, logico-langagières ou des analyses de formes abstraites.
Ces quelques semaines passées avec nos enfants nous donnent l’opportunité d’essayer et d’adopter une autre posture concernant le rapport à l’intelligence. Howard Gardner (2008) nous propose un autre prisme concernant l’intelligence, un prisme qui permettrait à chaque enfant de se sentir épanoui, intelligent et conscient de sa propre évolution et émancipation. Selon sa théorie, l’intelligence prend une forme multidimensionnelle et Garner nous dit ceci :
« … Les êtres humains ne possèdent pas une intelligence unique […], mais en tant qu’espèce, nous disposons d’un ensemble d’intelligences relativement autonomes les unes des autres. […] Si nous prenons en compte les intelligences spatiales, corporelle-kinesthésiques, verbale, logique-mathématique, musicale, naturaliste, inter et intrapersonnelle, nous pouvons obtenir une appréciation plus complète de ce que c’est un être humain. Nous jouissons tous de la totalité de ces intelligences ». (Gardner, 2008, p. 9) »
Ce qui est intéressant dans cette approche c’est d’envisager que chaque enfant possède en lui le potentiel pour aborder chacune des intelligences reprises plus haut et en tant que psychopédagogue, je ne peux qu’inviter les parents à solliciter trois ou quatre de ces intelligences avec leurs enfants de façon journalière durant ce confinement. La finalité vécue, permettra à l’enfant de renforcer sa confiance en soi, de renforcer les « skills » et compétences en lien avec les intelligences travaillées et surtout cela renforcera le lien avec les parents, car il ne sera plus question de parent normatif, mais bien de parents polyvalents sachant répondre à un besoin singulier de l’enfant : exister au regard de ses acquis et compétences.
Exemple : Vous pouvez proposer un parcours « santé » dans votre habitation, parcours comprenant une partie kinesthésique (manipulation de ballon, sauts sur banc ou muret, différentes techniques de course, porter des paquets de pâtes d’un point A à un point B, etc.), par la suite votre enfant pourrait s’arrêter à un atelier percussion, suivi d’un cache-cache au trésor et pour finir sur une activité peinture ou coloriage.
En une seule activité, vous pourrez solliciter les intelligences multiples de votre enfant pour son plus grand épanouissement et plaisir. Le but de ce genre de pratique et de solliciter dans un laps de temps très compressé la possibilité pour l’enfant de réaliser plusieurs actions sollicitant de nombreuses formes d’intelligences. Je ne remets pas en question l’approche scolaire de ce confinement, mais je citerai Carasco (2002) : « Il faut pouvoir faire de tout et tout le temps ». Alors, oui les enfants doivent suivre les dossiers et programmes scolaires, mais permettre aux parents de proposer une apologie des multiples intelligences pourrait être tout aussi bénéfique pour l’enfant que le renforcement de l’intelligence logico-mathématique et verbale. Permettre à des enfants doués d’intelligences artistiques, kinesthésiques, naturalistes, etc. de consolider ses acquis et de tisser un lien particulier avec son ou ses parents sont un atout pour le développement personnel que nous pouvons mettre en exergue durant ce confinement. Revenons à l’essentiel, accompagnons nos enfants avec parcimonie dans les domaines scolaires et renforçons les intelligences multiples. Il ne faut plus hésiter à danser avec nos enfants, à travailler la terre, à se raconter des histoires, développer des champs lexicaux riches… In fine, nos pratiques permettront à nos enfants de résoudre des situations complexes et produire des actions de valeur face à des situations problèmes.
« 93 % des parents estiment qu’il n’y a pas de plus grands succès dans la vie que d’être un bon parent » (IPSOS, 2017)
Cependant pour bien vivre votre confinement, je ne peux que vous amenez à réfléchir à l’essentiel, proposez à vos enfants de rire, danser, se promener et faire des câlins. Ces actions représentent plus de 66 % des activités favorites des enfants (IPSOS, 2016).
Et pour finir, veillez à vos mots : encourager, motiver, enjoliver, complimenter, faites de ce confinement une ode à l’échange et au renforcement interpersonnel. N’hésitez pas à demander à vos enfants de verbaliser leurs ressentis, leurs joies, leurs peines, etc. c’est une forme d’intelligence ;).
[1] À l’origine, union économique entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.
